Cette saison, avec mon entraineur Philippe Propage nous avions décidé de nous fixer comme objectif le championnat de France de 100 km à Chavagnes-en-Paillers en Vendée, dans le but d’intégrer l’équipe de France.
J’ai débuté ma préparation le 2 mars 2015 après une saison de cross-country en demi-teinte. En effet, j’ai du mal à revenir à mon niveau après une blessure contractée fin 2014. Mon retour en forme va coïncider avec le début de ma préparation des 100 bornes ! Cela tombe bien.
Toute la préparation s’est globalement très bien déroulée et c’est donc en pleine confiance que j’aborde ce France de 100 km ! Je suis prêt pour cette belle aventure que j’ai commencée il y a 5 ans ici-même. Les prétendants à la sélection sont nombreux. Celui qui en ressortira vainqueur sera très fort !
Le jour le plus long
5h du matin ! On s’élance avec nos frontales vissées sur la tête pour quelques bonnes heures d’effort. Le circuit s’organise en un petit tour d’environ 800m et 6 boucles de 16,5 km.
On se retrouve directement à 15 km/h sous l’impulsion de Jérôme Bellanca dont j’ai pu suivre l’entraînement chaque semaine sur son blog ! Un blog plaisant à lire et plein d’humilité ! J’ai adoré !
Devant nous, il y a un coureur d’Alès, Karim Boudjemai, qui prend un départ très rapide et qui disparaît très vite dans la nuit !
Derrière nous sommes 3, Ludovic Dubreucq, Jérôme Bellanca et moi-même. Nous passons les 10 km en 39’46, soit un peu plus de 15 km/h. On va continuer ensemble jusqu’au lever du jour et la fin de la 1ère boucle de 16,5 km.
Après, ce premier passage sur la ligne d’arrivée, je retrouve Lucie qui m’accompagne à vélo pour les 5 derniers tours ! Elle me donne les dernières infos concernant les ravitaillements, suite au briefing qu’elle a eu en nous attendant.
Concrètement, on peut se ravitailler librement avec ce qu’on porte sur soi mais on ne peut avoir accès à ce qui est dans le panier du vélo uniquement dans les zones de ravitaillement qui font de 100 à 250m de long. En revanche, on a le droit de poser (nous-même), dans le panier, des affaires ou ravitos tout le long du parcours. Ce qui est pas mal car au fil des kilomètres, le sac d’hydratation risque de peser plus lourd qu’au début …
KM 18 – Je vais progressivement prendre quelques mètres d’avance sur Ludovic et Jérôme et revenir puis dépasser Karim Boudjemai vers le 19ème km. Je vais continuer sur ce rythme très légèrement supérieur à 15 km/h jusqu’au km 55, en passant le marathon en 2h46’25.
Je fais bien attention à m’hydrater toutes les 15 minutes en alternant une gourde de boisson énergétique et une autre, avec moitié eau plate – moitié eau gazeuse. Côté alimentation, je mange un peu de solide à chaque heure de course.
En parallèle, Lucie me refait le plein des gourdes utilisées à chaque passage sur la ligne pour en avoir toujours d’avance. Je vais atteindre le KM 50 en 3h17’30, et là je fais le calcul … 6h35 … trop vite, j’en suis conscient, mais contrairement à 2010, où j’avais à l’époque ralenti volontairement en voyant 3h31’00 à ma montre, je vais continuer et assumer ma gourmandise !
KM 57 – Ludovic Dubreucq me rejoint au ravitaillement ! Je n’ai pourtant pas baissé d’intensité. Par contre, je ne me sens pas aussi facile que lors de mes sorties de 4h. Je trouve même que je suis légèrement entamé et ce n’est pas bon signe car la route est encore bien longue ! Il reste quand même un marathon à courir …
La tension monte
Je parviens tout de même à reprendre quelques mètres d’avance sur Ludo jusqu’au 60ème km. Lucie m’abandonne quelques instants et se retrouve à discuter avec l’accompagnatrice de Ludo. Je ne comprends pas trop ce qui se passe car cela parle de plus en plus fort derrière entre les filles, et cela finit par devenir perturbant !!! What is the problem ?
Après quelques minutes, qui m’ont parues bien longues, Lucie revient à ma hauteur mais vu son visage, je la sens très agacée. J’attends que Ludo me passe, pour en parler avec elle tranquillement. Elle me raconte enfin ce qu’il vient de se passer.
En fait, l’accompagnatrice de Ludo accuse Lucie de m’avoir donné quelque chose … Euh, c’est une blague ? Et bien non ! Incroyable ! Sur le coup, je dis à Lucie de laisser tomber faire retomber la pression. Tentative de déstabilisation ? Je ne vois pas pourquoi l’accompagnatrice de Ludo a inventé ça !
Je déteste les gens qui mentent et ne rien dire serait une manière d’accepter ces accusations ! Et ça, c’est totalement hors de question ! Je le prends comme un manque de respect vis-à-vis de nous et par conséquent, j’espère avoir des explications cohérentes de cette jeune femme, tout en restant ouvert au dialogue et prêt à accepter ses excuses.
Avec Ludo, tout s’est très bien passé durant la course, il ne s’est jamais plaint de quoique ce soit. Je tiens à le préciser pour éviter tout amalgame. Revenons à la course, la vraie, après ce moment surréaliste …
Les choses sérieuses commencent
Je vais clôturer cette boucle difficilement, Dès le km64 les premiers signes de crampes apparaissent. Après un arrêt pour satisfaire un besoin naturel, impossible de repartir tout de suite, je dois m’étirer avant pour détendre mon ischio-jambier. Je repars tant bien que mal et un gros km plus loin, c’est au tour de Jérôme Bellanca de me passer devant ! Son allure est impressionnante par rapport à moi. Me voilà donc 3ème et bien mal en point !
Je commence à subir la course, je n’avance plus un caramel, je passe pour la 4ème fois devant la ligne d’arrivée pour récupérer une banane et une gourde de boisson énergétique en fin de zone, … mais j’ai beau regarder à gauche et à droite, je ne vois pas Lucie ! Ah, non ça c’est la tuile ! Je décide de ne pas retourner sur mes pas pour éviter de perdre trop de temps. Je sais qu’il va falloir patienter 5 km supplémentaires. Je n’ai plus qu’un tout petit fond de boisson, je vais devoir gérer.
Lucie avait pris un peu d’avance à l’abord du ravitaillement. Elle m’avait parlé de sa crainte de crever avec le VTT pendant la course, je commence à me poser la question car je ne la vois toujours pas revenir à ma hauteur alors que je vais moins vite … Inquiétant !
Je poursuis ma route et toujours pas de Lucie. J’espère qu’elle n’a pas chuté. Je me prépare mentalement à m’arrêter au prochain ravitaillement pour manger et remplir la gourde que j’ai sur moi.
J’atteins difficilement le 70ème en opération «escargot» (expression de mon pote Stéphane Charnet qui me fera toujours rire). J’en ris après la course et en écrivant ce compte-rendu, mais sur le moment, je n’en menais pas large. Lucie est revenue à mes côtés ! Ouf, je suis soulagé !
Michael Boch fond sur moi et me dépose peu après le 70ème km. On s’encourage mutuellement. Micka est impressionnant ! Trois semaines après avoir gagné Belvès en 7h07, puis en gagnant le Wings for Life en Suisse en parcourant 70 km, il est encore aux avant-postes sur ce France de 100 km ! Enorme ce qu’il fait, il y a de quoi être admiratif !
De mon côté, je vois mon objectif d’obtenir une sélection partir en fumée. Je me sens vidé, il reste quasiment 30 km et surtout je ne sais pas où et qui est derrière … Je prends un très gros coup au moral à ce moment-là ! Lucie essaye par tous les moyens de me rassurer et de m’encourager, mais le «tracteur» est au bord de la panne d’essence … Elle est où la ferme ? Non, je plaisante, je n’ai aucune intention, ni envie d’abandonner, je ne suis pas venu pour ça.
Je vais courir du 70ème au 80ème km en 51’08 avec une 2ème pause pipi au 74ème km (il va vraiment falloir que j’apprenne à pisser en courant). L’opération «escargot» est plus que jamais d’actualité !
Par contre, malgré cette grosse défaillance, personne ne revient sur moi et c’est le point positif. on se rassure comme on peut …
Je vais à partir de là adopter un «tempo» oscillant entre 4’25 et 4’38 au km pour espérer finir entre 7h10/7h15 et effacer mon record de 8h33 en 2010 ici-même.
La fin du voyage
Les sensations reviennent tout doucement, mais les crampes me rappellent vite à l’ordre lorsque je souhaite mettre un peu plus d’intensité, quelle galère ! Cela m’oblige à m’arrêter pas mal de fois pour m’étirer et pouvoir repartir à une allure correcte.
Dernier tour, j’apprends que c’est Fabien Chartoire qui est derrière moi ! Cool, ça me fait plaisir pour lui. Il est à environ 5 minutes, ce qui n’est finalement rien, surtout quand on n’est pas bien et qu’il reste 15 km.
Il va vraiment falloir se battre jusqu’au bout pour garder cette 4ème place. Cela commence à aller un peu mieux pour moi, je franchis le 85ème km en 5h55’29.
Bon, pour moins de 7h, à part un miracle c’est cuit, mais pour passer en dessous de 7h10 et obtenir une performance de niveau N1, c’est jouable ! Allez, on va désormais se raccrocher à cela pour avancer et relancer la machine.
J’entre dans la forêt, dernière pause pipi express et j’aperçois le panneau 90ème km qui se rapproche (6h41’38).
Il y a 5 ans, lors de mon 1er 100 km, c’est à cet endroit-là que j’étais reparti avec Maxime en suiveur. Il ne faut pas que je lâche et finisse plus fort ! A 5 km de l’arrivée, toujours pas de Fab’ à l’horizon. Même si c’est un athlète que j’apprécie énormément il faut qu’il reste derrière ! La place de 1er traileur est en jeu … 😉
Je peux allonger un peu plus. Je sens que je vais plus vite. Je pose mon sac Nathan dans le panier juste avant le panneau du 99ème km ! Je regarde ma montre qui m’affiche 6h58’11 !
Cela fait tilt dans ma tête, Dominique Bordet qui est directement qualifié pour les championnats d’Europe et du monde à Winschoten aux Pays-Bas en septembre a fait 7h03’.
Je donne tout ce que j’ai dans ce dernier km pour faire moins et conserver l’espoir d’une sélection en équipe de France ! Je franchis la ligne avec un dernier kilo en 3’51. Je n’ai pas de regret, j’ai tout donné et je peux enfin arrêter ma montre : 7h02’02 !
Ce chrono ne me satisfait pas car j’avais pour ambition de faire 6h40, mais vu le déroulement de la course, je reviens de loin. Même si j’étais à l’aise sur des sorties de 4h à l’entrainement à plus de 15 km/h, je n’ai pas été capable aujourd’hui de tenir ce rythme !
La course à pied, un sport collectif
Malgré tout, j’ai encore beaucoup appris sur moi et mes limites physiques. Je vais désormais récupérer 2 semaines en laissant mes running au placard. Je ne ferai pas le 2ème tour des interclubs comme c’était initialement prévu. Je remercie mon club : l’USA Liévin, de me laisser récupérer tranquillement pour éviter toute blessure, et pour son soutien toute cette saison.
Je tiens également à remercier toutes les personnes qui m’ont suivi et encouragé pendant la préparation ainsi que durant la course. Merci à Arnaud Michel qui était là lors de ma 1ère sortie de 4h en stage à Fontainebleau, ainsi que Steph Charnet pour les quelques bonnes séances de piste partagées à Villeneuve d’Ascq. Merci au VAFA de me laisser l’accès de la piste quand on souhaite s’entraîner ensemble. C’est appréciable de savoir qu’il y a des clubs intelligents.
Merci à Univers Running, mon sponsor, et plus particulièrement à Sébastien Réby et Mathieu Casier d’avoir fait en sorte que tout le matériel nécessaire au 100 km arrive en temps et en heure. Merci aussi pour toute l’aide et la confiance que vous m’apportez depuis le début de l’année, à moi et mon entraîneur en ne nous imposant aucune course. On a pu préparer ce 100 km sereinement, si j’ai pu faire 4ème au championnat de France ce week-end, c’est en grande partie grâce à vous.
Merci aussi à toute l’équipe médicale pour le suivi pendant cette préparation : Marie Lafleur, Philippe Delgove, Vincent Lemoine, Maxime Dumont, Sylvaine Defarges ! Sincèrement, un grand merci pour votre réactivité quand mon ischio droit a vrillé en pleine préparation et lors des 2 dernières semaines avant la course pour atténuer le retour de ma douleur au talon et soigner mon entorse à un orteil.
Un grand bravo à Jérôme Bellanca pour son magnifique chrono et son deuxième titre après 2013 ! Il l’a gagné en mettant la manière et je suis sûr qu’aux championnats d’Europe et du monde à Winschoten, il pourra viser 6h40, ou moins !
A Ludovic Dubreucq, avec qui j’ai pu discuter au 1er tour, qui est très sympa et qui a explosé son record de plus de 14 min, c’est fort ! Et je pense qu’il peut encore le descendre ce chrono.
A Micka Boch, qui a été incroyable et qui impose le respect après son enchaînement, 100 km de Belvès, Wings for Life et ce France à Chavagnes en Paillers. Passer en dessous de 7h après cela, c’est monumental.
A Fabien Chartoire qui fait un excellent chrono de 7h07’ pour son 1er 100 bornes. Cela laisse présager d’une très grosse marge de progression, envie de retenter l’expérience ? 😉
Et bravo à tous les finishers de ce France, car terminer est déjà une très belle victoire ! Nous sommes tous des centbornards !
Et enfin, comment ne pas terminer par mon binôme : Papa Phil’ et Lucie !
Philippe ne pouvait pas se déplacer pour être à mes côtés ce week-end, mais il a été comme à son habitude de bon conseil pendant la préparation et pendant la course par le biais de Lucie ! C’est important de se sentir soutenu !
Lucie a été au top ! Elle s’est démenée à chaque tour pour me préparer mes ravitos, m’encourager et me soutenir quand j’en avais le plus besoin. Elle a fait une belle séance de fractionné en enchainant les sprints. Elle mérite certainement le maillot de la meilleure suiveuse !
Un athlète ne réalise pas seul ses objectifs. C’est le travail d’un groupe qui permet d’être performant !
Quant à une éventuelle sélection ou non en équipe de France, il va falloir patienter jusqu’au 17 juin pour savoir si une cerise sera sur le gâteau !
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