Globe Runners

Marathon d’Athènes : un goût d’Authentique

Marathon Athènes

Ce compte-rendu a été écrit sur une plage de l’Île Egine, en Grèce. A cette période, la mer Egée est plutôt agréable pour les jambes meurtries des marathoniens. Petite baignade revigorante sous le soleil, une chaleur douce, parfaite. La veille, nous avions aussi la peau salée mais cela n’avait rien à voir avec la baignade.

Récit d’une balade mythique entre Marathon et Athènes.

Avant la course

Pour rallier Marathon, où le départ est donné, l’organisation met à disposition des bus depuis Athènes. Il y a foule sur la place Syntagma à 6h15 du matin. On patiente assez longuement, c’est organisé mais un peu le bazar quand même. Lorsqu’on arrive enfin à monter dans un des véhicules, le jour commence à se lever. Nous prenons la route qu’il faudra faire en sens inverse, à pied.

Quand nous arrivons à Marathon, le ciel est d’un bleu éclatant. « Ici et aujourd’hui, aucune idée du concept même de nuage »*. L’organisation distribue des bouteilles d’eau et des sacs plastiques pour se protéger du froid. La remise des vêtements aux camions-consignes est super fluide. De nombreuses toilettes sont prévues … Bref, pas de souci !

On se dirige assez rapidement vers les sas de départ.

La course

Les objectifs pour ce 2ème marathon :

Et quoi qu’il en soit : gérer, tenir, ne pas marcher, ne pas « lâcher ». C’est d’ailleurs sans doute ce qui m’importait le plus. Je voulais me prouver que je savais persévérer dans la difficulté.

Dans mon « block » n°3, je suis concentrée et contente d’être là. Pas stressée … D’ailleurs, je ne l’ai quasiment jamais été. Derrière, la flamme olympique brûle fièrement. Devant, des dizaines de ballons multicolores sont lâchés. C’est parti !

Je suis partie volontairement au fond de mon sas et ça bouchonne légèrement sur le premier kilomètre. Les 10 premiers kilomètres sont roulants et je me cale à l’allure travaillée à l’entraînement (+/- 5’13/km). Mon corps a l’air de savoir instinctivement quelle allure prendre alors je le laisse faire.

Je tiens plus ou moins mon rythme sur les 15 premiers kilomètres. La longue, longue, longue (longue) montée commence au 10ème kilomètre. Au début, je ne m’inquiète pas trop des secondes perdues et gère aux sensations. Il ne faut pas arriver carbonisée au 32ème, là où ça commence enfin à redescendre.

Savoir réajuster les objectifs

Très vite, je sais que l’objectif initial va être impossible à tenir. Certes, 350m de D+ ce n’est pas énorme, mais distillé comme ça sur plus de 20km, c’est juste imbuvable. Faux plat, montée, faux plat, vrai côte, plat, montée … ça ne s’arrête JA-MAIS et tu ne peux quasiment jamais récupérer.

Je profite de la seule descente située au 16-17ème kilomètre. Je me relâche bien, détend les bras, grignote quelques petites secondes. Mais ce brusque changement de foulée me fait finalement mal aux cuisses. Ralala, jamais contents ces coureurs à pied !

« Bravo, bravo, bravo », les traversées des villages font du bien. La foule se masse et encourage généreusement. Les enfants portent les médailles des années précédentes et tendent leurs petites mains aux coureurs. Les mamies grecques donnent de la voix, quelle générosité !

Dans le dur

Je suis beaucoup moins facile que sur mon premier marathon. Ca se corse dès le 25ème où je commence (déjà) à me donner des petits objectifs intermédiaires. D’abord la grande barre symbolique du 30ème, puis le 32ème et la fin de ces saletés de côtes. Il y a beaucoup de ravitos et à chaque fois, je m’arrose généreusement la tête, la nuque et parfois même les jambes, pour rester au frais et calmer les débuts de douleurs musculaires. Ca marche plutôt bien, je n’ai pas souffert de la chaleur.

Enfin, le 32ème et la fin de l’enfer ascendant. Ô joie !

Bon, évidemment, la relance est toute relative. Prochaines étapes mentales : le 35ème (dernier gel) et, surtout … Le 37ème. Oui car en 2013, c’est au 37ème que j’avais craqué et marché. Je ne veux pas que ça se reproduise, je veux COURIR de bout en bout.

Dans cette portion difficile, je n’arrête pas de repenser à l’explication donnée par Murakami de la célèbre phrase « Pain is inevitable, suffering is optionnal » :

« […] Si je tente de la traduire le plus simplement possible, cela donne : « On ne peut éviter d’avoir mal. Il dépend de soi de souffrir ou non. » Par exemple, vous courez et vous pensez : « Ah ! Que c’est dur ! Je n’y arriverai pas. » Si les mots « c’est dur » dépeignent une réalité inévitable, quand vous dites : « Je n’y arriverai pas », vous vous en remettez à votre propre subjectivité. »*

J’ai commencé à relire Autoportrait de l’auteur en coureur de fond dans l’avion. Une amie très proche me l’a offert en y inscrivant quelques mots en page 3. Ca a du sens pour moi d’avoir emmené cet exemplaire avec moi. Ca en a encore plus maintenant que ça devient si difficile. Je me répète sans cesse « ça fait mal, c’est normal, mais je vais y arriver ».

Je pense à Anto, qui est parti dans un sas derrière alors qu’il aurait dû être devant moi. J’espère qu’il va bientôt me doubler. Je pense au fameux stade antique qui m’attend à l’arrivée, aux messages d’encouragement de mes amis. Je pense même parfois aux guerriers grecs. Ben oui.

L’arrivée

A force de penser à tout ça, le 40ème arrive … Ah non mince, ce n’est que le 39ème ! Alors on continue. Trois petits kilomètres, je cours encore et toujours. Les cuisses sont ultra tendues et douloureuses mais je parviens presque à atteindre mon allure de départ.

Je sais que le sub 4H est à ma portée. Il y a de plus en plus de monde, je sens le stade tout proche. J’entends d’abord les voix et la musique … Et puis, au bout de l’avenue, les gradins en marbre.

Encore un virage et ça y est, c’est GRANDIOSE ! Le stade est sublime, fouler son tartan noir est indescriptible. L’émotion est palpable … J’y suis !

 

Je franchis la ligne en 3h54 temps réel, le sourire aux lèvres et l’émotion au bord des yeux.

Emmanuelle
TeamUR

—* Haruki Murakami, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond

Pour lire une version « dans ma tête » de ce CR, rendez-vous sur mon blog

 

 

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