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Bigorexie : addiction au sport, au running

bigorexie ou addiction au sport

Le concept d’addiction au sport ou addiction à la pratique sportive ou bigorexie appartient aujourd’hui au langage courant. Il s’agit dans ce cas d’un abus de langage évoquant simplement une pratique sportive intense, donnant à la personne concernée une valorisation à la fois sociale, et de l’apparence, entrant dans le cadre du culte de la performance[1].

Il en est pourtant tout autre dans le monde médical en particulier dans le domaine de l’addictologie.

Définition de la bigorexie

L’addiction au sport[2] ou bigorexie se définit par une pratique nocive de l’exercice physique, décrite comme un besoin compulsif [3] de faire du sport, où les dommages corporels, familiaux, professionnels prennent le pas sur les bienfaits de cette pratique, avec une poursuite de ce comportement malgré les dommages.

Cette pratique pathologique amène à une véritable souffrance physique et psychique, et appartient à cette grande famille des addictions comportementales.

Les critères de dépendance

Toute addiction comportementale est définie comme suit avec les critères de Goodman (1990)

  1. Impossibilité de résister aux impulsions à réaliser ce type de comportement
  2. Sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement
  3. Plaisir ou soulagement pendant sa durée. Classiquement, le temps passé et l’intensité de la pratique ne rentrent pas à eux seuls dans les critères de dépendance.
  4. Sensation de perte de contrôle pendant le comportement
  5. Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement

Présence d’au moins cinq des neuf critères suivants :

  1. Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation
  2. Intensité et durée des épisodes plus importantes que souhaitées à l’origine
  3. Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement
  4. Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre ou à s’en remettre
  5. Survenue fréquente des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires ou universitaires, familiale ou sociales
  6. Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement
  7. Perpétuation du comportement, bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d’ordre social, financier, psychologique ou psychique
  8. Tolérance marquée: besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence pour obtenir l’effet désiré, ou diminution de l’effet procuré par un comportement de même intensité

On y retrouve les notions de craving (envie irrépressible de « pratiquer »), de perte de contrôle, les tentatives infructueuses d’arrêt ou de contrôle de l’activité malgré la volonté du sujet : il s’agit des « rechutes ».

Les dommages individuels seront principalement des blessures, de type fractures de fatigue, et les dommages parallèles seront professionnels (absentéisme, retard), sociaux (isolement majeur), familiaux et parfois financiers (budget dédié à l’activité sportive, sorties sportives en y amenant la famille, matériel de sport).

L’entrée dans la dépendance

Tout sportif ou sujet pratiquant régulièrement une activité physique n’ « entrera » pas forcément dans une dépendance.

On a pu identifier des facteurs de risques non spécifiques favorisant ce comportement pathologique :

L’addiction au sport est une addiction dite « positive »[4], en comparaison avec les addictions aux produits (licites ou illicites).

Tout exercice physique, est pratiqué afin d’améliorer la qualité de vie et le bien être psychologique. Il favorise l’estime de soi, les capacités intellectuelles, et contribue ainsi à l’amélioration de la gestion du stress. Il augmente le degré de résistance et de l’endurance, favorisant l’amélioration de l’image corporelle.

Il est une source de plaisir par la libération de neurotransmetteurs[5]: implication du système de récompense avec circuit dopaminergique (addictions avec produits).

Par ailleurs, la pratique d’un exercice physique améliore la sociabilité, le sport étant une activité socialement valorisée.

Tous ces bienfaits vont être de plus en plus recherchés, amenant progressivement au passage de la pratique physique simple, à la pratique excessive puis à l’addiction.

L’addiction sportive commence par des excès, des recherches de plaisirs en vue d’une désinhibition qui va finalement aboutir à un besoin irrépressible de pratiquer l’exercice.

Les sports les plus concernés par la bigorexie

Tous les sports d’endurance (trail, running, cyclisme…) ainsi que le culturisme sont les sports les plus concernés par cette addiction.

L’amélioration des performances sportives et physiques pourront être l’origine de conduites dopantes que nous n’étaierons pas ici.

Coaddictions

Les troubles du comportement alimentaires (de plusieurs types)[6] sont classiquement associés à la bigorexie ; favorisant une image corporelle parfaite et des performances optimales.

Deux catégories d’ « addictés » au sport ont été décrites[7] :

Comme évoqué ci dessus, les conduites dopantes sont aussi parfois associées.

Ces comportements devront être considérés dans la prise en charge d’un sujet addicté à la pratique sportive.

Notons que les addictions aux produits (alcool, tabac, cocaïne) peuvent précèder ou faire suite à la bigorexie, mais n’y sont pas classiquement associées.

Evaluation et outils de mesure

Les professionnels pourront évaluer une addiction à la pratique sportive grâce à un outil validé : il s’agit de l’ Exercise Dependance Scale Revised (EDS-R), traduite en français.[8]

Il s’agit d’une échelle  multidimensionnelle, regroupant un ensemble de symptômes cognitifs, comportementaux et physiologiques.

Dans notre cas précis de pratique du running[9], l’auto questionnaire ci dessous, peut aider un sujet à identifier sa pratique.

  1. Je cours très souvent et régulièrement (+ 1)
  2. Si le temps est froid, trop chaud, s’il y du vent, je ne cours pas (- 1)
  3. Je n’annule pas mes activités avec les amis pour courir (- 1)
  4. J’ai arrêté de courir pendant au moins une semaine pour des raisons autres que des blessures (- 1)
  5. Je cours même quand j’ai très mal (+ 1)
  6. Je n’ai jamais dépensé d’argent pour courir, pour acheter des livres sur la course, pour m’équiper (- 1)
  7. Si je trouvais une autre façon de rester en forme physique je ne courrais pas (- 1)
  8. Après une course je me sens mieux (+ 1)
  9. Je continuerais de courir même si j’étais blessé (-1 )
  10. Certains jours, même si je n’avais pas le temps, je vais courir (+ 1)
  11. J’ai besoin de courir au moins une fois par jour (+ 1)

Si le résultat est supérieur à zéro, il y a dépendance.

Prise en charge de la bigorexie

Il n’existe à ce jour aucune prise en charge spécifique. Le constat actuel est que peu de sujets consultent. Le diagnostic se fait le plus souvent à postériori si le sujet a transféré sa dépendance vers un produit, qu’il soit licite ou illicite.

Si le repérage dans les milieux sportifs professionnels s’amorce progressivement, il en est tout autrement pour les milieux sportifs amateurs. Comme toutes les autres addictions, la bigorexie engendre des répercussions parfois dramatiques chez un sujet sportif. Une pratique excessive doit être repérée et non pas banalisée.

Vous l’aurez compris, plaisir et bien-être, quel qu’il soient, doivent rester les mots clés de votre pratique.

Docteur Anne BODEREAU
Addictologue 

 
 

Références bibliographiques :

 

 

 

 

 

 

 

 

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