Les primes dans le trail : pour ou contre ?

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Ce n’est pas un phénomène nouveau mais il s’amplifie ces temps-ci : les primes de victoire deviennent monnaie courante et augmentent d’année en année. Bonne nouvelle ou pas ? Globe Runners ouvre le débat.

S’il y a bien un sujet qui fait grincer des dents dans le monde du trail, c’est bien l’argent. Le prix des dossard en hausse, celui du matériel aussi… Et désormais celui des primes. Certaines épreuves récompensent les vainqueurs depuis des années, et pas seulement en bons d’achats et autres paniers gourmands. La Saintélyon par exemple a commencé à distribuer des primes en 2013, les Templiers en 2011. Cette dernière épreuve a d’ailleurs largement revu son enveloppe de récompenses cette année (32 000 euros contre 20 000 en 2015), et c’est ce qui nous a poussé à ouvrir le débat.

Faut-il généraliser les primes dans le trail ?

Cette question fait évidemment l’unanimité ou presque chez les élites. « J’y suis favorable » répond Nicolas Martin. « On ne peut pas utiliser l’image d’un sportif pour valoriser son épreuve et donner des paires de basket ou des bons d’achats ». Le traileur français est particulièrement concerné et pour cause : il a pris la bonne habitude de truster les podiums les plus prestigieux ces derniers mois. Pour lui, le calcul est très simple : « les sportifs gagnent de l’argent parce qu’ils en génèrent ».

Ugo Ferrari, du Team Adidas, est du même avis : « Forcément le chiffre, brut de décoffrage, livré à nu comme ça, jeté sur la table entre le fromage et le dessert, il choque. Mais combien de bénéfices génère cette semaine Templière ? » Il nuance toutefois en précisant que ces primes ne doivent pas être versées aux dépens du coureur lambda qui devrait alors se serrer la ceinture aux ravitaillements et rentrer à la maison avec un t-shirt en coton.

On peut d’ailleurs citer l’exemple de la 6000D, qui a longtemps versé des primes aux premiers, avant de faire machine arrière pour -selon l’organisation- offrir un cadeau à tous les participants. Depuis ? Le plateau de cette course s’est un peu affaibli. Preuve que cela compte quand-même, ou que la concurrence est de plus en plus rude entre chaque épreuve.

Une volonté de sortir du lot dans un contexte toujours plus concurrentiel

C’est d’ailleurs un facteur clé dans cette généralisation des primes : les épreuves sont de plus en plus nombreuses, les élites ne peuvent pas courir -en tout cas pas au meilleur de leur niveau- un trail compétitif chaque week-end. C’est donc une lutte acharnée qui s’engage entre chaque grosse épreuve pour attirer des élites, donc plus de partenaires, et in fine générer plus de revenus.

Des élites qui ne sont pas naïfs d’ailleurs, en témoigne la réaction de Nicolas Martin face aux primes en hausse sur les Templiers cette année : « Je me demande pourquoi une telle augmentation alors qu’il y a le championnat du monde IAU à une semaine d’intervalle ? Serait-ce une manière de siphonner le championnat du monde ? » il s’agit évidemment d’une question rhétorique, on est en droit de penser que la réponse est comprise pour le même prix.

Les primes, pour le meilleur et pour le pire ?

Que peuvent apporter ces primes au monde du trail ? « L’argent augmentera le niveau dans le monde du trail si -et seulement si- les revenus potentiels sont intéressants » estime Nicolas Martin. Des primes conséquentes permettraient en effet aux meilleurs traileurs français de passer plus de temps à s’entraîner, pourquoi pas en aménageant leur temps de travail voire en arrêtant pour la crème de la crème. Et elles permettraient aussi d’attirer des sportifs d’autres horizons comme l’athlétisme ou la triathlon, bien plus rémunérateurs aujourd’hui pour les meilleurs.

Mais on peut se poser une question : faut-il vraiment pousser coûte que coûte le niveau des élites vers le haut ? C’est une conception du sport qui semble assez éloignée de l’esprit originel du trail, celui sur lequel beaucoup de coureurs fantasment, qui n’est peut-être (ou pas ! ) qu’une chimère, mais qui part du principe qu’on est bien à courir tous ensemble, que le meilleur l’emportera et repartira tout content avec son pot de pâté et son trophée en bois sous le bras, et que finalement c’est très bien comme ça. Ces deux conceptions s’opposent aujourd’hui, et sont au cœur du débat.

Voir arriver des dizaines de coureurs qui viennent simplement batailler pour les primes -comme on le voit tous les week-end aujourd’hui dans le marathon- gâcherait-il la course des coureurs comme vous et moi ? Pas sûr.

De toute façon, nous n’en sommes pas là, comme le rappelle Ugo Ferrari avec son humour habituel, lui qui vise un TOP 10 sur les Templiers et peut donc prétendre à une prime qui restera modeste : « ça me permettrait de ne plus hésiter entre les avocats bio ou non bio chez mon primeur. Par contre ça ne me servirait pas à grand-chose pour m’acheter un appartement… »

Alors, on lui laisse manger des avocats bio ou pas ?

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