Rencontre avec un organisateur de courses

Quelques semaines après la 3ème édition du Grand Trail du Saint-Jacques organisé au Puy-en-Velay (43), Globe Runners propose une interview de Romain Houzé, responsable du secteur running/trail au sein de l’agence Extrasports, organisatrice de l’évènement mais aussi de la Sainté Lyon, du Lyon Urban Trail 

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Romain Houzé, ExtraSports

Christopher Hautbois : Peux-tu tout d’abord présenter l’agence Extrasports ainsi que les évènements qu’elle organise ?

Romain Houzé : Extrasports est à l’origine une agence de communication. Le département sport a été créé par la suite par Michel Sorine. La première épreuve organisée était une cyclo-sportive. Juste après a été créée La Sainté Lyon qui est notre épreuve référence et qui en est aujourd’hui à sa 61ème édition. Extrasports s’occupe de cet évènement depuis 12 ans. Aujourd’hui, Extrasports a trois types de fonctionnement. Soit on est concepteur de l’épreuve comme pour l’Urban Trail, soit on est prestataire de coordination c’est-à-dire qu’on organise une épreuve de A à Z mais on le fait pour le compte d’une association qui en reste le propriétaire intellectuel. C’est le cas de La Sainté Lyon, du Trail des forts de Besançon, du Trail ardéchois que l’on reprend l’année prochaine. Le troisième mode d’organisation correspond à une demande d’une collectivité qui souhaite qu’on organise pour elle une épreuve sur son territoire. C’est le cas du Grand Trail du Saint Jacques au Puy-en-Velay.

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CH : Aujourd’hui, cette agence compte combien de personnes ?

RH : Au sein du département sport, il y a 8 personnes en tout à plein temps.

CH : Quel est aujourd’hui le dénominateur commun des évènements organisés par Extrasports ?

RH : Extrasports a ciblé un certain type d’épreuves. On essaie de faire des épreuves décalées à l’image du Lyon Urban Trail qui nous a valu quelques critiques au départ d’ailleurs.

CH : Quel genre de critiques ?

RH : Les critiques étaient liées à l’association de « urban » et de « trail » c’est-à-dire l’idée de faire du trail en ville. Cela a été largement critiqué lors des premières éditions par certains coureurs et dans la presse également. Aujourd’hui, l’épreuve a trouvé sa place dans un calendrier pourtant bien chargé puisqu’on a réuni presque 8000 personnes cette année.

CH : Tu penses que ces critiques n’étaient pas fondées ?

RH : Pour les gens qui portaient ces critiques, le trail doit être en nature, en montagne et du coup amener le concept de trail en ville était antinomique.

CH : Vous vous l’avez fait parce que vous pensiez qu’il y avait des coureurs qui pouvaient être intéressés par une telle épreuve ?

RH : On avait organisé auparavant la Lyon free VTT donc on s’est dit que si on pouvait faire passer 1000 VTTistes dans les rues, dans les traboules, on pourrait faire passer quelques coureurs. D’autant qu’on a à Lyon une ville qui s’y prête puisqu’avec les deux collines on arrive à trouver pas mal de dénivelé. Il y avait quand même 1300m de dénivelé sur le 36 km de l’Urban Trail. Ce qui est intéressant c’est qu’on a beaucoup de coureurs qui courent en montagne mais qui ne peuvent pas forcément s’entrainer le reste de l’année donc ils viennent s’entrainer avant les échéances d’été sur l’Urban Trail. Et au-delà de ça, il y a un autre aspect c’est qu’historiquement de nombreuses courses sont organisées par des associations, composées de bénévoles qui ont un travail à côté, qui font ça sur leur temps libre. Or on constate que ces associations ont de plus en plus de mal à répondre aux demandes des coureurs qui fonctionnent de plus en plus comme des consommateurs. C’est-à-dire que pour des épreuves comptant entre 500 et 1000 personnes, ils arrivent à s’en sortir, ce n’est pas trop problématique mais quand on dépasse ce seuil, ca demande plus de logistique, plus de communication, plus de réponses aux participants et tout cela devient vraiment très chronophage. C’est là que nous on intervient en tant que soutien aux associations qui ne parviennent plus à suivre le rythme d’évolution du trail telle qu’on la constate aujourd’hui.

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CH : Selon toi, cela est-il symptomatique d’une évolution de la course à pied qui tend vers plus de professionnalisation pour répondre à une demande du marché qui est de plus en plus exigeante ? C’est ce que vous constatez aujourd’hui ?

RH : Exactement. On constate qu’il y a de plus en plus de personnes qui courent, du coureur du dimanche jusqu’à l’ultratraileur. Ces personnes, quand elles s’inscrivent, sont de plus en plus consommatrices de l’évènement et veulent avoir un « retour qualité » face au prix d’inscription.

CH : Quel est le profil des personnes qui participent à vos épreuves ?

RH : Le profil varie en fonction de l’épreuve évidemment mais il y a quand même un tronc commun : notre participant est un homme, âgé entre 45 et 50 ans. Au niveau des attentes, les participants sont en attente d’un retour qualité-prestation, c’est-à-dire des gens qui disent « j’ai payé ma course, je veux que les ravitaillements soient quand même de qualité, je veux pouvoir me faire masser à la fin, etc. ». En ce qui concerne les objectifs, il y a deux grandes catégories selon les participants : ceux pour qui la course que l’on organise est un objectif en soi, ceux pour qui notre course est une étape vers une course plus longue à laquelle ils participent après.

CH : Peux-tu me dire combien coûte vos évènements à organiser ?

RH : Le coût varie en fonction de l’évènement bien sûr mais si on prend l’exemple de La Sainté Lyon qui est notre principal évènement, le budget total est d’environ un million d’euros. Dans les charges, les trois postes principaux sont la sécurité, le médical et l’alimentation. On ne se rend pas forcément compte mais sur la Sainté Lyon on a besoin d’une quinzaine de médecins, des secouristes, des infirmières. Il y a aussi la logistique puisqu’on recouvre les différents terrains qui nous sont prêtés par les collectivités avec des tentes chauffées et parquetées. Il y a aussi un énorme coût alimentaire car c’est de plus en plus difficile de trouver des sponsors ou des hypermarchés qui nous aident en nous apportant des dotations. Ces trois postes là représentent déjà 30% du budget total. Pour un million de chiffre d’affaires, on a 800 000 euros de charges.

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CH : Quelles sont les autres dépenses ?

RH : Il y a toute la communication, le site internet, les agents de sécurité et la somme de tous les petites dépenses annexes qui mises bout à bout représentent un certain montant.

CH : Quelles sont les recettes en parallèle ?

RH : Elles sont de 3 types : les inscriptions, les partenariats privés et les subventions publiques. Les inscriptions représentent entre 65 et 70% du total des recettes. Dans les partenariats privés on essaie d’avoir une partie en aides financières directes et une partie en dotations afin d’éviter les dépenses pour nous et donc limiter le coût de l’inscription pour les coureurs.

CH : Comment pourrais-tu justifier aux yeux des coureurs le coût parfois élevé de l’inscription pour une épreuve qui consiste essentiellement à courir sur la voie publique ?

RH : Déjà il y a une chose, c’est que nous ne sommes pas une association composée de bénévoles qui ont un travail en parallèle. Nous sommes une société privée qui organise des manifestations sportives. On a donc besoin de dégager des bénéfices pour faire vivre a minima la structure et payer les salariés. Il faut également comprendre que les coûts liés à l’organisation de telles manifestations sont parfois invisibles aux yeux des participants qui sont souvent sur le mode « j’arrive, je prends mon dossard et je repars à l’arrivée ». Dans les faits, organiser des évènements comme les nôtres c’est beaucoup beaucoup de temps en amont. Des dossiers à déposer en préfecture qui font entre 150 et 200 pages on ne les fait pas non plus en 5 mn.

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CH : Avez-vous identifié au sein de l’agence des idées ou des concepts nouveaux dans le secteur de la course à pied qui pourraient fonctionner ? On parle beaucoup des courses à obstacles depuis 2 ou 3 ans par exemple

RH : Pour moi le secteur de la course à pied nature ou urbain reste promis à un bel avenir. C’est pour moi la discipline la plus facile d’accès puisqu’il suffit d’une paire de chaussures pour y aller. Après c’est vrai qu’il y a une mode en ce moment des courses à l’anglo-saxone, c’est-à-dire des courses à obstacles. Ces courses trouvent un nouveau public, plus jeune, plus fun. Pour moi ça va bien marcher pendant quelques années mais ça risque de s’essouffler je pense entre 4 et 6 ans.

CH : Vois-tu quelque chose à ajouter par rapport à ce qu’on a dit ?

RH : Oui peut être simplement ajouter quand on organise un évènement, on organise tout de A à Z. Le plan média, la com, etc. Par exemple nous, comme on est une agence de com à la base, on a la chance d’avoir un bureau graphique intégré. On gère la commande alimentaire, logistique, administrative, l’accueil des participants, etc. En général, on travaille entre 6 et 8 mois en amont de l’évènement pour que celui-ci puisse se dérouler correctement.

CH : Oui d’ailleurs au sujet de la communication, on pourrait de l’extérieur avoir l’impression que ce n’est pas central dans un évènement, que le cœur de l’évènement est l’aspect sportif, alors qu’en fait c’est souvent un moyen de donner envie et de donner confiance à un coureur qui va choisir une épreuve plutôt qu’une autre. Et ça, ça commence souvent par le site internet par exemple.

RH : Exactement. Aujourd’hui, il y a une offre très importante en France en matière de trails et il faut arriver à tirer son épingle du jeu. Cela passe par la qualité du produit, c’est-à-dire l’épreuve qu’on va proposer, mais aussi une bonne communication pour ressortir parmi l’ensemble des offres. Nous par exemple on est très attentif à la qualité des visuels que l’on peut diffuser dans la presse spécialisée. On essaie d’être un gage de qualité et ca passe aussi par la communication.

 

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